Exploration sensible du Nivernais Morvan : villes et villages qui font vibrer le territoire

Un pays de villes modestes et de villages habités par la mémoire

Le Nivernais Morvan ne compte pas de métropoles flamboyantes. Ce sont les petites villes et les villages qui scandent l’espace, souvent perchés, toujours enracinés. Leur évolution reflète les grandes dynamiques de la région : déclin industriel, essor de la forêt, exode rural, retour d’initiatives locales… Ils sont porteurs d’une mémoire intensive, lisible sur leurs façades, dans leurs paysages ou leurs traditions. Pour mieux saisir cette constellation de lieux, voici une sélection de cités et de villages traités comme autant de portes d’entrée dans l’identité du Morvan et du Nivernais.

Nevers : cité ligérienne au confluent d’histoires

Avec environ 33 000 habitants (INSEE, 2021), Nevers demeure la capitale du département. Il serait réducteur de ne voir en elle qu’une préfecture administrative : ville épiscopale, mère de la faïence depuis le XVIIᵉ siècle, étape des chemins de Compostelle, elle incarne à la fois puissance et discrétion. Sa cathédrale Saint-Cyr-et-Sainte-Julitte mêle gothique et roman sur un exceptionnel chœur à double abside. Au détour des rues, les vestiges gallo-romains côtoient l’ancien palais ducal, sans oublier les maisons à pans de bois de la rue de la Cathédrale. La présence du couvent Saint-Gildard attire chaque année des pèlerins venus du monde entier sur les traces de Bernadette Soubirous, exilée ici à la fin de sa vie. Anecdote peu connue : c’est à Nevers que l’on trouve l’un des tout premiers ponts métalliques de France, conçu par Gustave Eiffel (1880), surplombant la Loire.

Château-Chinon : la mémoire vivante du Morvan

Perchée à 600 mètres d’altitude, Château-Chinon compte à peine 2000 habitants, mais son aura demeure immense à l’échelle du Morvan. Préfecture du massif, elle doit sa notoriété à François Mitterrand, qui en fut le maire pendant 22 ans (1959-1981), avant de devenir Président de la République. Outre l’évocation politicienne, Château-Chinon abrite le poignant Musée du Septennat, où s’entassent les innombrables cadeaux présidentiels reçus par Mitterrand, témoignages surprenants d’une autre époque (voir Musée du Septennat). Sa position dominante offre un panorama signé Jules Renard : “D’ici, le Morvan ressemble à une mer verte à laquelle les collines servent de vagues.” Ici, on croise encore les célèbres “gabiers du Morvan”, descendants des bâtisseurs de flotte sur l’Yonne et la Loire, ou la mémoire dogon qui fait écho au jumelage ancien avec Sangha, au Mali.

Clamecy : ville d’eau, de flottants et de littérature

Point nodal du flottage du bois jusqu’au XIXᵉ siècle, Clamecy s’étire sur les rives de l’Yonne, étape vitale pour Paris qui se chauffait au bois morvandiau. D’où l’expression fameuse : “Les Parisiens chauffent leurs hivers au bois du Morvan.” Aujourd’hui, la ville (autour de 3700 habitants) charme par son centre médiéval superbement conservé : la collégiale Saint-Martin (impressionnante façade flamboyante), les ponts sur la rivière, les ruelles pavées. C’est ici que naît le romancier Romain Rolland, prix Nobel de littérature 1915, revendiquant la devise locale : “On résiste.” Son port fluvial animé et ses maisons colorées en font un point de rendez-vous des plaisanciers sur le canal du Nivernais, itinéraire classé parmi les destinations préférées des cyclotouristes d’Europe (“Best of the best”, European Cyclists Federation, 2019).

Autun : l’empreinte de l’Empire romain sur le Morvan

A la lisière sud-est du Morvan, Autun doit autant à la volonté de l’Empereur Auguste (sa fondation remonterait à -15 avant J.-C.) qu’à la richesse du passé médiéval. Ancienne capitale de la civitas Aeduorum, elle reste un manuel d’archéologie à ciel ouvert :

  • Le théâtre romain, plus grand de la Gaule (jusqu’à 20 000 places : source Inrap / Ministère de la Culture)
  • La porte d’Arroux et la porte Saint-André, impressionnants arcs gallo-romains
  • La cathédrale Saint-Lazare, chef-d’œuvre roman et son tympan de Gislebertus, où l’on dit que “le Jugement dernier n’a jamais été mieux sculpté” (dixit Prosper Mérimée)

Le centre ancien déroule ses maisons Renaissance, les venelles pavées, et un marché du vendredi matin encore vibrant d’accents bourguignons.

Corbigny : carrefour, abbatiale et arts vivants

Séparant Morvan granitique et Nivernais fertile, Corbigny se découvre souvent en chemin : terminus du Canal du Nivernais, croisée ferroviaire autrefois majeure, célèbre pour son abbatiale Saint-Léonard (XIIᵉ-XVIIIᵉ s.) et pour son Festival “Les Rugissantes” mêlant musiques et créations contemporaines (voir Abbaye de Corbigny). La ville, peuplée d’environ 1600 habitants, attire amateurs d’architecture, promeneurs du canal et fidèles de la Fête de la Châtaigne, héritage rural devenu moment-phare de l’automne local.

Lormes : la petite suisse morvandelle

Surplombant la vallée de l’Anguison, Lormes (environ 1300 habitants) fut longtemps un haut-lieu industriel local (scieries, moulins). Son site est réputé pour ses paysages, qui inspirèrent le surnom de “Petite Suisse” dès le XIXᵉ siècle, vanté par le guide Joanne 1865. Lormes est aussi connue pour ses mystérieuses légendes et pour le rocher de la Garde, autrefois promontoire de surveillance, autour duquel les veillées racontaient la “dame blanche de la montagnette”. Depuis quelques années, la commune développe des circuits autour du numérique rural et accueille un “Fablab” pionnier entre Nevers et Dijon.

Moulins-Engilbert : traditions de foires et bourgade des éleveurs

Situé au confluent du Sud Morvan et du Bazois, Moulins-Engilbert cultive une tradition vivante de foires aux bestiaux, qui firent sa renommée dès le Moyen Âge. Au XIXᵉ siècle, le bourg était l’un des principaux marchés à bestiaux de France : près de 30 000 têtes de bovins transitaient ainsi chaque année par ses enclos (sources : Archives départementales de la Nièvre).

  • Musée de l’élevage et des anciennes foires
  • Halles métalliques remarquables, élevées en 1907
  • Tradition du “Marché aux veaux du samedi”, perpétuée de génération en génération

Située sur la route du GR13, la bourgade attire aujourd’hui randonneurs et passionnés du terroir.

Saint-Honoré-les-Bains : villégiature Belle Époque au cœur du massif

Station thermale dès 1860, Saint-Honoré-les-Bains est citée dans tous les manuels de balnéothérapie. Son destin est lié à la découverte de sources ferrugineuses, vantées pour les rhumatismes et les affections respiratoires (initiative des frères Girard, 1837). La ville garde la mémoire de ses casinos, de ses villas à tourelles et des effervescences mondaines de la Belle Époque. On y retrouve l’esprit des “pensionnaires” lecteurs de Maupassant et le charme désuet du parc thermal, où se mèlent arbres centenaires, kiosques et anciens bains. Depuis une décennie, la commune s’impose aussi dans le tourisme de pleine nature, proposant le Parc Aventure du Morvan et plusieurs circuits balisés de trail et VTT.

Saint-Amand-en-Puisaye : la poterie rayonnante

Capitale historique de la poterie de grès, Saint-Amand-en-Puisaye s’affirme depuis des siècles comme terre de créateurs. Le minerai d’argile, la maîtrise des fours à bois et le savoir-faire perfectionné depuis le Moyen Âge font du village un carrefour d’artisans. Son château Renaissance – immense quadrilatère à tours d’angle (fin XVIᵉ, impulsé par la famille de l’Aunay) – abrite aujourd’hui le Centre de la Céramique Contemporaine : plus de 150 potiers y exposent chaque année leurs œuvres (voir Centre de la Céramique). L’anecdote locale veut qu’ici, “on préfère casser une poterie qu’une amitié” tant la fraternité des ateliers façonne la vie communautaire.

Quelques perles moins connues mais marquantes

  • Montsauche-les-Settons : point d’accès au lac des Settons (360 hectares), formidable ouvrage bâti entre 1854 et 1861 pour le flottage du bois, devenu lieu de villégiature estivale et paradis des activités nautiques
  • Dun-les-Places : marqué par la tragédie de juin 1944 (massacre de 27 habitants lors d’une opération SS), aujourd’hui haut-lieu de mémoire et de randonnée. Surplomb remarquable sur la vallée de la Cure
  • Ouroux-en-Morvan : village vivant, terre de résistance pendant la Seconde Guerre mondiale, témoignant d’un regain associatif rare avec ses festivals (Morvandiaux d’abord, musiques actuelles aujourd’hui)
  • Tannay : ancienne cité vigneronne du Val de Loire, fière de ses caves, ses remparts et sa collégiale Saint-Léger dominant les paysages ripuariens
  • Brassy : nichée au cœur de forêts domaniales, elle rassemble chaque été le plus ancien rassemblement de “rampeurs” (course de caisses à savon du Morvan, tradition populaire depuis les années 1960)

Un territoire à l’équilibre mouvant : l’art du passage

Rien n’est figé, ici. Les villages naissent, vivent, parfois s’amenuisent, puis se réinventent : c’est peut-être ce qui confère au Nivernais Morvan sa force, son identité plurielle, attachée aux micro-récits comme aux grandes pages d’histoire. À la faveur d’un marché, d’une fête rurale, d’une randonnée ou d’une simple halte au lavoir, chaque ville et chaque village s’offre comme une séquence unique ; il suffit de prendre le temps d’écouter. Du patrimoine monumental de Nevers aux hameaux secrets autour de Lormes ; des foires séculaires de Moulins-Engilbert aux marchés d’Autun ; de la faïencerie à la poterie puis aux arts vivants, le Morvan et le Nivernais racontent, aujourd’hui encore, la France d’un autre tempo. Ni figés ni tout à fait sauvages, ces lieux continuent à inventer leur récit en dialogue avec les hommes et la nature.

Sources : INSEE, Archives départementales de la Nièvre, Musées et Offices de tourisme locaux, Inrap / Ministère de la Culture, Guide Joanne, Centre de la Céramique, European Cyclists Federation, publications locales, circuits du Parc Naturel Régional du Morvan.

Les archives

Reliefs et paysages du Pays Nivernais Morvan : diversité, histoire et identité d’un territoire singulier

Lorsqu’on arpente les chemins du Morvan, on est frappé par le contraste entre la douceur de ses collines et la puissance tranquille de ses crêtes. Ce massif appartient à la grande famille des montagnes anciennes françaises, à l’instar...

Les vallées du Nivernais : artères vivantes du territoire et de son organisation

Au cœur du Nivernais, la vallée n’est jamais un simple creux dans la carte : elle structure l’espace, sculpte les paysages, dicte l’histoire des hommes. À l’échelle de la Nièvre, on dénombre plus de...

Château-Chinon, cœur battant du Morvan : entre histoire, géographie et vie locale

À la croisée de routes séculaires, plantée sur un éperon rocheux qui regarde à la fois les vallées profondes et les collines arrondies du Morvan, Château-Chinon s’impose par la force des lieux. « Capitale du Morvan » : le...

Plateaux granitiques du Haut-Morvan : histoires de sols, de forêts et d’hommes

Situé au cœur de la Bourgogne, le Haut-Morvan, surnommé « la montagne qui ne voulait pas en être une », déploie ses reliefs doux et ses hauts plateaux sur un socle ancestral de granite. Ce massif, l’un des plus...

Le Morvan, une vieille montagne aux sommets assagis : secrets de reliefs arrondis

Sur une carte géologique de France, le Morvan attire d’abord par sa position : curiosité granitique en Bourgogne, souvent comparée au Massif Central. Pourtant, il n’est pas réductible à un simple prolongement de celui-ci. Dans la langue...