Prémery au fil des siècles : vestiges et témoignages du Moyen Âge encore visibles aujourd’hui

Aux origines du bourg : la formation médiévale de Prémery

Prémery prend son essor entre le XI et le XIV siècle, à la croisée de voies marchandes et religieuses. Son nom lui-même viendrait du latin Pratum Mariae — “le pré de Marie” —, attesté dès 1094 dans le cartulaire de l'abbaye Saint-Martin d’Autun (source : Bulletin de la Société Nivernaise, 1877). Ce n’est pas un hasard : à cette époque, la Nièvre voit se multiplier des bourgs structurés autour d’une motte castrale ou d’une église, points vitrines de la seigneurie et de la vie villageoise. Prémery ne fait pas exception, et son plan ancien — centre regroupé, axes rayonnant depuis le sommet et structures radiales — trahit l’urbanisme d’un bourg médiéval typique.

L’empreinte féodale : la forteresse des barons de Prémery

Le vestige médiéval le plus spectaculaire demeure sans conteste l'ancien château féodal. Édifié au XIV siècle sur motte, puis remanié au fil des guerres et des progrès militaires, il fut la propriété de puissantes familles nivernaises, dont les sires de Montenoison puis les barons de Prémery (source : Georges de Soultrait, “Dictionnaire topographique du département de la Nièvre”, 1865).

  • Ruines des tours et des remparts Aujourd’hui, seul un pan de tour carrée, intégré à l’ancien bâti civil, rappelle l’ampleur du château. Les bases de courtines subsistent, en partie enfouies ou intégrées à des murs plus récents. On discerne nettement, côté est, de grandes pierres calcaires équarries, typiques de l’appareil médiéval local (visible depuis la rue du Château).
  • Vestiges du pont-levis Au nord-est, un profond fossé, aujourd’hui enherbé, marque encore l’emplacement de l’ancien pont-levis. Les archives municipales relatent que ce dispositif fut consolidé en 1419, alors que la Bourgogne et la France s’affrontaient pour la suzeraineté du Nivernais.

Un plan cadastral napoléonien de 1824, conservé aux archives de la Nièvre, permet encore de visualiser l’ensemble de l’enceinte médiévale originale : une forme trapézoïdale d’environ 60 mètres de côté — modeste mais redoutable à une époque où la défense du bourg primait sur le confort des seigneurs (archives départementales de la Nièvre, AC 146).

L’ancienne église Saint-Marcel : Romanité et défenses religieuses

L’autre pilier du passé médiéval de Prémery se dresse à quelques dizaines de mètres du château : l’église Saint-Marcel. Son origine remonterait à la fin du XII siècle, avec bon nombre de restaurations, mais le plan et plusieurs éléments architecturaux sont typiquement romans :

  • Chœur roman et absides : Voûtes en berceau, colonne à chapiteaux sculptés de motifs végétaux naïfs (en particulier sur le côté nord). On y repère la trace d’un portail du XIII siècle, aujourd’hui muré.
  • Éléments défensifs : Les contreforts massifs et surtout la présence d'une étroite tour de guet intégrée à la façade ouest rappellent que les églises rurales étaient souvent conçues pour abriter, en dernier recours, la population lors des alertes (cf. études du Service régional de l’Inventaire, Bourgogne-Franche-Comté, 1992).

À noter : des sondages archéologiques réalisés lors de restaurations récentes ont mis au jour une ancienne cuve baptismale en calcaire (XIII s.), aujourd’hui exposée à l’entrée, et des fragments de fresques polychromes subsistant sous le badigeon.

Traces moins visibles : toponymie, rues, et vie quotidienne au Moyen Âge

Un œil attentif discerne d’autres indices du passé médiéval en parcourant les rues anciennes de Prémery :

  • La “Rue de l’Ancienne Halle” : son nom conserve la mémoire du marché couvert médiéval, aujourd’hui disparu, centre de la vie économique locale. Les archives rappellent que cette halle, dont il reste des caves voûtées du XIV siècle sous certains commerces, accueillait les foires ducale plusieurs fois l’an (source : Archives départementales de la Nièvre, E202).
  • Les passages voûtés : En remontant la place de l’Église, on devine deux passages étroits dont les linteaux de pierre et les voûtes en berceau remontent à la fin du Moyen Âge. Ces “portes basses” s’ouvraient jadis sur des cours artisanales ou des annexes du château.
  • Le réseau de ruelles : Le nom “Rue du Puits-Neuf” rappelle la présence d’un puits communal, essentiel lors des sièges ou épidémies. Sous la Rue des Fossés, le dénivelé actuel correspond au tracé de l’ancienne muraille.
  • Le “quartier du Prieuré” : Aujourd’hui en partie disparues, les dépendances d’un petit prieuré bénédictin subsistaient jusqu’à la Révolution dans l’actuelle impasse Saint-Benoît, citées dans les bulles papales du XIII siècle.

Légendes et mémoire populaire : échos du Moyen Âge

Au-delà de la pierre, des légendes populaires perpétuent aussi l’empreinte du Moyen Âge à Prémery. Certaines sont attestées dès le XIX siècle dans les collectes de folklore, telle celle du “Trésor du vieux château” — une cachette présumée d’argenterie seigneuriale, jamais retrouvée, qui fait toujours courir les enfants des écoles du bourg (source : Paul Lesort, “Croyances et contes populaires de la Nièvre”, 1888). D’autres, plus tragiques, évoquent la peste de 1348 ou la grande famine de 1315, souvent associées à des charniers ou des croix de carrefours repérés autour du vieux cimetière.

Les “noms de lieux” médiévaux — , ,  —, parfois tombés en désuétude, refont surface ici ou là lors de sondages archéologiques et de travaux publics.

Vie quotidienne médiévale : métiers, agriculture et organisation communautaire

Saisir la vie d’un bourg médiéval n’est pas seulement affaire de pierres. Quelques documents permettent de reconstituer les activités du Prémery d’autrefois :

  • Les métiers : Dès le XIV siècle, on dénombre à Prémery :
    • 2 forgerons, spécialisés dans la petite métallurgie rurale (outils, clous, ferrures).
    • 3 moulins à eau sur la Nièvre et son affluent, connus depuis au moins 1332.
    • Des tisserands, des tonneliers et des verriers, cités lors des foires annuelles.
  • Agriculture : L’openfield règne : des champs ouverts, partagés en “terriers”. En 1374, le terrier du Prieur Saint-Martin mentionne près de 18 exploitations roturières.
  • Organisation rurale : La communauté villageoise “paroissiale” s’organise autour de la charte de franchises du bourg, confirmée par le duc de Bourgogne en 1392 (Archives départementales). Fait rare : le maire du bourg était déjà élu par les chefs de famille dès la fin du Moyen Âge.

Prémery dans les grandes crises médiévales : invasions, guerres, peste

Comme partout dans la région, Prémery n’a pas été épargné par les soubresauts du XIV – XV siècle. Les consignes de la mairie rappellent que le bourg fut “assiégé et brûlé par deux fois”, lors de la guerre de Cent Ans : en 1358 puis en 1420 par des bandes armagnacques et bourguignonnes rivales. L’enceinte fortifiée prend alors tout son sens, mais de nombreux foyers paysans se réfugient dans la forêt voisine. Un vieux document signale que la population passe “de 320 feux à à peine 90” vers 1420, chiffres recoupés par les registres paroissiaux publiés au XIX siècle (source : Recueil des historiens du Nivernais).

La peste noire de 1348 a également sévi : le clocher sert alors de beffroi d’alerte, les prêtres délaissent la grande nef pour des messes en plein air, et l’on érige “une croix de peste” à la sortie sud de la ville — monument aujourd’hui disparu mais mentionné dans le cadastre de 1842.

Revenir sur site : conseils de visite et détails à ne pas manquer

  • Le promontoire du vieux château : Monter l’escalier jusqu’au reste du donjon, observer le parement de pierre, repérer les archères murées par la végétation.
  • L’église Saint-Marcel : Détaillez les chapiteaux sculptés et les bases des colonnes du chœur. Demandez à la mairie l’accès à la sacristie où sont parfois exposés des fragments retrouvés lors des fouilles.
  • Rues médiévales et passages voûtés : À arpenter à pied, tôt le matin, pour apprécier la lumière sur les pierres anciennes.
  • Patrimoine oral : Rencontrer les habitants les plus anciens, souvent prompts à partager récits et anecdotes issues de leurs propres parents ou de la mémoire collective locale.

Perspectives : pourquoi ces traces médiévales comptent encore

Les vestiges dispersés de Prémery offrent un kaléidoscope du Moyen Âge rural nivernais, bien loin d’un décor figé ou d’une collection de pierres mortes. Ils parlent autant d’adaptation aux crises que de continuité des pratiques villageoises, et montrent que la mémoire médiévale ne se lit pas seulement sur les monuments classés, mais aussi dans la toponymie, les usages, la morphologie urbaine et le tissu vivant de ses habitants.

Prémery invite encore, aujourd’hui, à corriger bien des préjugés sur l’histoire de la Bourgogne “profonde”, et à se plonger, pas à pas, dans la lente et riche stratification d’un bourg rural ayant traversé, sans tapage, plusieurs siècles de tumultes, de reculs, mais aussi de renaissances.

Les archives

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