Saint-Honoré-les-Bains : Thermalisme et écrin naturel au cœur du Morvan

Un nom, une tradition : l’histoire singulière des eaux de Saint-Honoré

Saint-Honoré-les-Bains tient une place à part dans le paysage du Morvan. Si son nom résonne aujourd’hui comme synonyme de détente et de bien-être, c’est d'abord parce que l’eau y coule depuis toujours, chargée d’histoires, de croyances et de promesses de guérison. Les premières mentions du site remontent à l’époque gallo-romaine : la découverte en 1861 d’une stèle dédiée à la déesse Niska (protectrice des sources) atteste d’une fréquentation antique (source : Société nivernaise des lettres, sciences et arts).

Si la station thermale officielle n’ouvre qu’en 1855, les vertus de ces eaux étaient connues bien avant. Selon une chronique locale, le curé d’Onlay aurait rapporté, dès le XVII siècle, que des pèlerins venaient tenter ici leur chance contre la goutte ou les rhumatismes. Mais c’est au XIX siècle, avec le développement du thermalisme en France, que Saint-Honoré prend son envol : on y croise alors artistes, ministres, militaires en convalescence, curistes souffrant d’affections chroniques respiratoires ou articulaires, cherchant l’air pur et la chaleur apaisante de l’eau sulfurée.

  • En 1862, 1 500 curistes fréquentent déjà la station (source : archives départementales de la Nièvre).
  • Jusqu’à 20 000 nuitées annuelles sont enregistrées à la Belle Époque.
  • L’établissement actuel date de 1886, mêlant style néo-classique et modernité architecturale.

Le saviez-vous ? On raconte qu’Émile Zola, lors de ses recherches pour « La Joie de vivre », aurait envisagé Saint-Honoré pour y placer l’un de ses personnages en cure, à la recherche d’un renouveau autant moral que physique.

La science des eaux : composition et indications thérapeutiques

Ce qui fait la renommée des thermes, c’est avant tout la singularité de leurs eaux. Les analyses menées entre 1810 et 1820 par l’apothicaire Joseph-Jacques Morin et confirmées depuis montrent une dominance de souffre et de silice, ainsi qu’une exceptionnelle pureté microbienne (source : Bulletin de l’Académie de médecine, 1910).

  • Température de la source principale : entre 28°C et 30°C.
  • Teneur en soufre : 15 mg/litre.
  • Indications médicales : affections ORL, rhumatismes, maladies de la peau, bronchites chroniques.

La tradition locale revendique aussi ce que l’on appellerait aujourd’hui une « cure de récupération » : des anciens racontent comment les ouvriers morvandiaux remis de blessures venaient « retrouver du ressort » dans ces bains sulfureux après les grands travaux forestiers ou les campagnes militaires.

Un environnement naturel, laboratoire de biodiversité

Ce qui distingue Saint-Honoré des grandes stations thermales alpines ou pyrénéennes, c’est moins le faste que le dialogue continu entre la nature et l’architecture thermale. Nichée à 330 mètres d’altitude, la commune ouvre sur le sud du massif du Morvan, dans une cuvette verdoyante modelée par la rivière Le Ternin.

  • Le Parc Thermal : 4 hectares, planté de séquoias, cèdres du Liban et ginkgos biloba — certains plantés dès 1864 — forment aujourd’hui une véritable collection botanique vivante (source : Office du tourisme du Bazois).
  • La forêt domaniale : 7 200 hectares autour du bourg, dont une partie classée zone Natura 2000 (site « Forêt du Morvan »).
  • Une faune discrète mais foisonnante : salamandres, chouettes hulottes et même martres fréquentent bois et rivières autour de la commune.

De nombreux botanistes du XIX siècle – à commencer par le docteur Perronnet, médecin-directeur des thermes en 1902 – ont décrit la flore des sous-bois, révélant la présence de la digitale pourpre (rare dans la Nièvre), de prairies à orchidées et, sur les hauteurs, de hêtraies intactes. Les sentiers balisés aujourd’hui empruntent souvent d’anciens chemins de charrois, vestiges de l’économie forestière.

Des légendes à la modernité : mémoires et enjeux d’une station vivante

Saint-Honoré-les-Bains ne saurait se résumer à ses eaux, fussent-elles précieuses. Son identité s’est forgée au fil des siècles par la rencontre de mille influences. Autrefois, les curistes, majoritairement venus de Paris, étaient hébergés dans de grands hôtels maintenant reconvertis en maisons familiales ou en résidences de vacances. L’hôtel des Thermes, par exemple, abrita des réfugiés espagnols en 1939 puis des prisonniers de guerre, avant de retrouver sa vocation hospitalière.

  • Durant la Seconde Guerre mondiale, les bois autour du bourg ont servi de refuges à plusieurs groupes de résistants, dont le maquis Bernard, et abritent aujourd’hui encore des plaques en hommage aux « passeurs » locaux (source : Musée de la Résistance du Morvan).
  • Au XX siècle, Saint-Honoré devint également terre d’accueil d’artistes : le sculpteur Luigi Guardigli y séjourna à partir de 1968, y créant plusieurs œuvres monumentales exposées dans le parc thermal et le village.

Une anecdote peu connue : il subsiste dans les archives communales les carnets météorologiques de Jeanne Brissard, « curiste chronique » (expression d’époque), qui notait de 1930 à 1942 la floraison des rhododendrons, l’affluence des cures et la fréquentation des cafés du centre. Ils forment aujourd’hui une mine d’informations pour comprendre l’évolution de la vie locale à travers le prisme du thermalisme.

Un village en mouvement : atouts et défis contemporains

Le XXI siècle a posé de nouveaux enjeux à la station. Si le pic de fréquentation des « années bonheur » (entre 1920 et 1970, avec plus de 3 800 curistes annuels, selon la Revue du thermalisme) est révolu, la diversification de l’offre accueille désormais aussi les amateurs de nature, de randonnées et de séjours courts.

  • En 2023, environ 1 700 curistes se sont succédé sur la saison, avec un taux de fidélité élevé.
  • Le casino, ouvert depuis 1922, propose désormais des événements culturels et y organise des expositions sur l’histoire locale ou le patrimoine naturel.
  • L’ancienne voie ferrée, autrefois voie d’accès privilégiée des curistes, est aujourd’hui reconvertie en voie verte cyclable.

Un enjeu majeur demeure : préserver l’intégrité du patrimoine naturel tout en dynamisant l’activité. Saint-Honoré a rejoint, en 2019, la charte de la Parc Naturel Régional du Morvan, participant à des actions de lutte contre la pollution des rivières et à des campagnes de replantation en essences locales.

Entre eaux et forêts, le charme discret d’une station vivante

Saint-Honoré-les-Bains se révèle, à qui prend le temps d’y marcher, comme un carrefour d’histoires, d’expériences individuelles et collectives, mêlant la douceur d’un environnement préservé à la mémoire d’une France thermale réinventée. Chaque pierre du parc, chaque souche de la forêt conserve l’écho du passage de curistes anonymes ou célèbres, de botanistes curieux, de résistants en exil ou de promeneurs émus. La petite cité demeure fidèle à la devise que l’on découvre gravée à l’entrée de la station : « Omnibus sanitas – La santé pour tous ». La clarté de son eau a su traverser les siècles, et la forêt, dont la rumeur se mêle aux rires du parc, promet, elle aussi, de veiller longtemps sur la tranquillité des lieux.

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