Montsauche-les-Settons : Histoire et métamorphoses autour du lac des Settons

Un paysage façonné par l’eau : naissance et vocation du lac des Settons

À l’origine, Montsauche n’était qu’un petit bourg morvandiau, perché à près de 600 mètres d’altitude, entouré de forêts profondes, de bocages et de landes, vivant au rythme des saisons et de la vie paysanne. Mais en 1861, le paysage bascule : les eaux de la Cure sont retenues, un barrage naît, et avec lui un vaste lac artificiel couvre désormais plus de 366 hectares. Derrière cette œuvre d’ingénierie se cache un enjeu phare de l’époque : dompter les crues dévastatrices de l’Yonne, fleuve capricieux, et répondre aux besoins de la navigation fluviale, tout en favorisant l’essor du flottage du bois jusqu’à Paris (settons.com).

  • Chiffres clés :
    • Surface du lac : 366 hectares
    • Volume : environ 23 millions de m³ d’eau
    • Hauteur du barrage : 20 mètres
    • Barrage achevé en 1861, classé Monument Historique depuis 1986

La construction du barrage, dressé comme une muraille au cœur de la nature, fut un chantier titanesque qui mobilisa des centaines d’ouvriers morvandiaux, mais aussi des ingénieurs et tailleurs de pierre venus d’ailleurs. L’un d’eux, Henri Bazin, laissa son nom dans l’histoire locale en améliorant la technique des vannes à clapets, permettant une meilleure régulation des flux (Wikipedia Lac des Settons).

D’un hameau rural à un carrefour animé : transformations socio-économiques du village

Jusqu’au XIXe siècle, Montsauche était avant tout un lieu d’élevage, de bois et de petits ateliers artisanaux (saboteries, scieries à force humaine). Mais l’arrivée du lac bouscule la donne. Progressivement, le village se transforme :

  • Arrivée de nouvelles populations : ouvriers du barrage, familles liées au flottage du bois, hôteliers en devenir.
  • Développement d’infrastructures : création de routes, ouverture d’estaminets et auberges pour loger ingénieurs, ouvriers et, bientôt, premiers touristes.
  • Naissance du tourisme : dés 1895, le Syndicat d’Initiative vante les mérites du site. En 1930, la carte postale montrant le « Châlet du Lac » à l’orée de la plage attire déjà curistes et promeneurs venus respirer l’air du Morvan.

L’essor est si marqué qu’on parle, dès les années 1920, du « petit Nice du Morvan ». Sur la digue, les anciens racontent encore la venue de personnalités artistiques ou politiques, venues trouver calme et inspiration sur les rives boisées du Lac.

Le lac, cœur de la vie locale : légendes, mémoire et usages populaires

Pour les habitants de Montsauche, le lac est plus qu’un plan d’eau : il devient le réservoir de souvenirs, de légendes et de fêtes. Les lavandières utilisaient jadis certains affluents pour battre le linge, et chaque été, la commune organisait des fêtes nautiques qui attiraient foule, pierres angulaires de la sociabilité rurale.

  • Le carnaval nautique des années 1950, où des radeaux décorés défilaient, suivi de bals populaires sur le quai.
  • Légende populaire : on raconte que, par nuits claires, on entendrait au fond du lac l’écho d’une cloche d’église ensevelie… souvenir fantasmé d’un village disparu. (Source : enquête orale, habitants de la commune, 2022)
  • Pêche et petits métiers du lac : sandres, carpes, brochets pêchés à la ligne ou à la nasse, puis vendus sur les marchés de Saulieu ou d’Autun.

L’impact sur la microéconomie est notable : en 1936, la Monographie communale signale déjà plus de 200 emplois directs liés aux activités du lac (pêche, restauration, hôtellerie, entretien, barragisme).

Tourisme et patrimoine : le tournant du XXe siècle

Avec l’essor du tourisme en France, particulièrement après la loi des congés payés de 1936, la vocation balnéaire du site se confirme. Le camping du lac, lancé dès 1967, double sa capacité en moins de dix ans. De nouvelles activités voient le jour :

  • Voile et navigation : ouverture du club nautique en 1973, avec régates annuelles et stages d’initiation, un petit air de vacances « grandes eaux ».
  • Randonnée et VTT : balisage de sentiers autour du lac (plus de 14 km de rives accessibles aujourd’hui) ; naissance du fameux GR13 à proximité.
  • Éco-tourisme : installation des premières zones Natura 2000 sur le pourtour du lac (1999), visant à préserver faune et flore endémiques.

Le croisement des anciennes cartes postales et des vues aériennes actuelles montre un paysage recomposé : les collines boisées qui se reflètent dans les eaux, la grande digue de pierre, les villas modestes et les chalets de la première génération de « touristes à la campagne ».

La cité balnéaire des Settons n’a jamais cherché l’excès ni la démesure. Pas d’immeubles, peu d’urbanisation lourde ; son succès tient à la qualité et à l’authenticité de ses paysages. « Ici, on vient pour se reposer et pour marcher », notait déjà en 1975 le Guide Vert Michelin. Les chiffres sont parlants : en 2018, près de 120 000 visiteurs fréquentent chaque année ses rives (morvan-nature.fr).

Évolutions et défis contemporains : un équilibre à (re)trouver

Montsauche et le lac des Settons continuent d’incarner un certain art de vivre rural, mais ces dernières décennies, de nouveaux enjeux sont apparus :

  • Lutte contre la déprise rurale : la population du village, autrefois en croissance, a peu à peu baissé (de 1 456 habitants en 1911 à 856 en 2021, chiffres INSEE), malgré la vitalité touristique.
  • Tensions autour de la ressource en eau et du réchauffement climatique : gestion fine des niveaux du lac, adaptation des infrastructures pour faire face aux canicules ou aux sécheresses récurrentes.
  • Préservation écologique : limitation de certains usages motorisés, développement d’itinéraires doux, gestion raisonnée des milieux humides (étude Parc du Morvan 2020).

Le bassin des Settons fait aujourd’hui l’objet de nombreuses actions collectives : ateliers participatifs, pêches scientifiques, et partages de savoirs locaux pour cultiver la mémoire tout en préparant l’avenir. Les associations locales, souvent composées d’anciens ou de nouveaux venus, remettent au goût du jour fêtes, marchés de producteurs et veillées, s’appuyant sur l’attrait du lac mais aussi sur ce sentiment d’appartenance à une histoire commune.

Quelques figures, moments forts et archives remarquables

  • Henri Bazin (1829-1917), l’ingénieur visionnaire du barrage ; ses carnets sont aujourd’hui consultables aux archives départementales de la Nièvre.
  • Les « Marie » du barrage : des femmes veuves d’ouvriers ayant trouvé emploi dans l’intendance du chantier, tenancières d’auberges ou ramasseuses de bois flotté. Une page oubliée de l’histoire sociale locale.
  • Cartes postales anciennes : série de clichés de la plage des Settons, années 1900 à 1936 (fonds AD58, photothèque locale), témoignages visuels de l’arrivée des premiers vacanciers.

Les archives communales et départementales regorgent de pépites : délibérations pour le choix du site du barrage, lettres de réclamation de riverains, carnets de comptes relatant la précieuse taxe du poisson vendu au marché de Montsauche-le-Bourg.

Échos du présent et promesses d’avenir

Montsauche-les-Settons, village rural devenu carrefour touristique, modèle assez rare d’un développement lié à la fois à l’eau, à la mémoire et au patrimoine industriel, poursuit sa métamorphose. Son lac, à la fois ouvrage d’ingénierie, espace de loisirs, vivier écologique et miroir d’une histoire collective, pose la question centrale de l’équilibre des usages : comment transmettre sans figer, accueillir sans perdre l’âme, préserver sans isoler ?

Sur l’eau tôt le matin, alors que la brume danse au-dessus des flots, on croise parfois des pêcheurs solitaires, ou de jeunes marcheurs en quête d’espaces authentiques. Dans les venelles anciennes, la mémoire de la première digue veille, le temps d’un récit partagé, entre les lignes des carnets d’Henri Bazin et les souvenirs contés sur la plage des Settons.

Longtemps hésitant entre tradition et modernité, Montsauche-les-Settons rappelle, à sa manière patiente, la vertu d’un développement ancré dans le respect du lieu et de ceux qui l’habitent — et continue d’inspirer, à travers l’eau, la forêt et les légendes, celles et ceux qui viennent y trouver, sinon l’ailleurs, du moins un autre rythme.

  • Sources : Archives départementales de la Nièvre, INSEE, settons.com, Wikipedia, enquête de terrain 2022-2023.

Les archives

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