Montsauche-les-Settons : une forêt, des histoires et un avenir à partager

Une forêt communale emblématique du Morvan

Impossible d’évoquer Montsauche-les-Settons sans parler de la forêt qui l’enveloppe comme une mer d’émeraude. S’étendant sur près de 1 600 hectares — soit l’une des plus vastes forêts communales de la Nièvre —, elle s’impose comme un des principaux poumons verts du « Haut-Morvan », à la fois source de vie pour ses habitants et terrain de découvertes pour les marcheurs. Située en plein cœur du Parc naturel régional du Morvan, elle reflète les grandes mutations paysagères et économiques nivernaises depuis deux siècles.

La paroisse de Montsauche est d’ailleurs citée dans les actes forestiers dès le XIV siècle, époque où le bois constituait une ressource vitale pour les communautés rurales (voir l’ouvrage de l’abbé Baudiau, Le Morvan et ses traditions, 1865). Les fameux flotteurs de bois du Morvan, qui alimentaient Paris en énergie, empruntaient ici les chemins creux que la forêt a conservés.

Un patrimoine naturel exceptionnel

Des essences variées, reflet de l’histoire forestière

Contrairement à la réputation parfois monotone des grandes forêts de résineux du centre de la France, celle de Montsauche offre une belle diversité. Le pin sylvestre domine, issu de reboisements massifs lancés dans les années 1850, mais chênes sessiles, hêtres, bouleaux et même douglas trouvent leur place dans les futaies plus récentes.

Cette mosaïque crée des ambiances qui changent à chaque saison. La gestion par l’ONF privilégie aujourd’hui un retour progressif vers la futaie irrégulière et la conversion douce, loin du modèle monospécifique encore fréquent ailleurs (source : ONF, Plan d’aménagement forêt communale de Montsauche, 2019).

Une biodiversité préservée sous surveillance

La forêt communale abrite une faune discrète mais foisonnante. Chevreuils, sangliers, martres et genettes — ces dernières signalées de nouveau au détour des chemins depuis 2018, un retour discret mais significatif (source : Parc naturel régional du Morvan, suivi faune 2022). Côté oiseaux : le pic noir, la chouette hulotte, ou encore la rare sittelle torchepot, symbolisent les espaces anciens et les arbres morts laissés en place.

Une étude menée en 2021 par le Centre d’Initiation à la Nature du Morvan a recensé plus de 180 espèces floristiques, dont des orchidées forestières protégées, notamment sur les versants humides en direction du lac des Settons.

Un terrain d’aventures pour le tourisme de nature

Randonnées et activités douces

En surplomb du lac des Settons, la forêt offre un tissu dense de sentiers balisés et de chemins plus secrets, dont certains sont d’anciens parcours de chars à bœufs remontant au XIX siècle. Voici, parmi les multiples parcours proposés :

• Le circuit du Belvédère du Mont Moux : 10 km dans une ambiance de crêtes et de landes, panorama sur les Settons et la ligne bleue des monts du Morvan.
• La boucle des Sources du Ternin : 14 km, propose, au printemps, un festival d’anémones sylvies et de primevères en sous-bois humides.
• Itinéraire de la Grande Traversée du Morvan à VTT : traverse la forêt sur près de 16 km, classé étape favorite des vététistes pour sa fraîcheur et ses dénivelés réguliers (source : Fédération française de cyclisme, topo-guide FFC Morvan).

Des panneaux explicatifs, conçus avec la Maison du tourisme des Settons, jalonnent désormais plusieurs parcours, invitant à ralentir le pas pour observer les traces du passé ou une discrète colonie de fourmis rousses géantes — vrai spectacle à l’affût d’un tronc moussu, détail qui fascine petits et grands.

Patrimoine, légendes et mémoire forestière

La forêt déploie aussi tout un imaginaire où se croisent légendes et petits monuments. Sur la route du hameau du Bois du Roi, on croise l’ancienne borne seigneuriale dite « Pierre des Douze Vœux », signalée déjà sur la carte d’état-major de 1845 — un lieu où, disaient les anciens, on allait formuler douze souhaits pour les récoltes à venir.

• Les charbonnières : vestiges d’emplacements ronds, aujourd’hui recouverts de mousse, où l’on fabriquait le charbon de bois jusqu’en 1967.
• Séquoia géant de la Route des Vaux : arbre classé remarquable, planté en 1882, curieux clin d’œil aux Américains qui avaient contribué, par le Génie, à la construction de barrages au XX siècle.
• Sourciers et coupeurs de loups : récits recueillis par André Pourcher, maître d’école de Montsauche dans les années 1930.

Un outil majeur d’éducation à l’environnement

L’espace forestier est devenu depuis les années 2000 une salle de classe à ciel ouvert pour nombre d’écoliers du territoire. Chaque année, plus de 350 enfants (écoles primaires de Montsauche, Ouroux et Moux) participent à des journées nature sur la parcelle pédagogique du Bois de la Croisée. Ici, ils apprennent à mesurer la hauteur des arbres, repérer des traces de blaireaux ou réaliser un herbier.

Des initiatives citoyennes, comme « La Nuit de la Chauve-Souris », attirent aussi des curieux venus observer les 6 espèces recensées sur le secteur, preuve s’il en est d’une relative tranquillité retrouvée du secteur boisé (source : Groupe Chiroptères Bourgogne, relevé 2022).

Une ressource gérée durablement, entre défis et adaptation

Forêt communale : de la ressource historique à la gestion moderne

Gérée par la commune avec l’appui technique de l’ONF, la forêt représente environ 22 % du territoire communal (donnée CORINE Land Cover, 2021). Elle a longtemps constitué un levier budgétaire (vente de bois, location de chasse), mais aussi un enjeu social : droit d’affouage accordé chaque année aux habitants pour le bois de chauffage. En 2022, près de 45 % des foyers de Montsauche bénéficiaient encore de ce droit ancestral (source : Mairie de Montsauche-les-Settons).

Face aux pressions croissantes (tempêtes, scolytes, changement climatique), la stratégie mise en place vise des peuplements diversité, le maintien des lisières feuillues, et une valorisation accrue des bois morts et arbres sénescents pour la biodiversité.

Un enjeu pour la filière bois locale

La forêt communale de Montsauche contribue activement à la filière bois du Morvan, qui emploie aujourd’hui près de 1 500 personnes sur l’ensemble du massif (source : Observatoire régional forêt-bois Bourgogne-Franche-Comté, 2023). La scierie de Gouloux ou les ateliers d’ébénisterie de Saulieu valorisent régulièrement des grumes issues de la forêt communale, circuit court oblige.

Un projet innovant voit même le jour en 2023 : la mise en place d’un « sentier sylvicole » ouvert aux visiteurs et scolaires, pour observer en direct les étapes d’une coupe raisonnée, depuis la prospection jusqu’à la régénération naturelle. Un format qui permet de montrer que le bois, s’il est exploité intelligemment, est un matériau d’avenir — comme le rappelle l’architecte local Cédric Joly, pour qui « chaque planche morvandelle porte en elle la mémoire de tout un pays » (invité lors de la Journée du Bois, mai 2023, maison du Tourisme Settons).

Entre terre de passage et réservoir d’initiatives pour demain

Être à la fois ressource économique, refuge de biodiversité, lieu de promenade et témoin du passé : la forêt communale de Montsauche-les-Settons tient tous ces rôles sans céder à la tentation de l’uniformité. Elle accueille aujourd’hui de nouvelles pratiques :

• Marches thérapeutiques et bains de forêt, inspirés du « shinrin yoku » japonais, proposés par l’association Morvan Zen.
• Chantiers participatifs de dégagement de sources et de restauration de vieux murets, qui fédèrent habitants et nouveaux arrivants.
• Actions pilotes d’observation du changement climatique, menées par le réseau « Sentinelles du Morvan ».

À l’heure où la question du tourisme durable s’impose, Montsauche-les-Settons et sa forêt offrent néanmoins un modèle conciliant transmission, accueil, sobriété et attachement à une identité locale forte. Marcher dans ces bois, c’est comprendre un peu mieux les grands équilibres du Morvan — mais aussi, peut-être, une certaine idée du futur de nos paysages ruraux.