Les Étangs de Vaux et de Baye : le cœur navigant et vivant du canal du Nivernais

Une confluence d’eaux et d’histoires : situer Vaux et Baye dans la trame du canal

À cheval entre les rives orientées par le granit du Morvan et les terres ouvertes du Nivernais, les étangs de Vaux et de Baye dessinent un point d’arrêt, de passage, mais surtout d’attrait sur le canal du Nivernais. Bien plus que de simples réserves d’eau, ils constituent une clé de voûte à la fois technique et sensible dans l’économie du tourisme fluvial régional.

Formant ensemble près de 220 hectares — Vaux s’étendant sur 62 ha, Baye sur 198 ha — ces étendues d’eau sont les plus grandes du département de la Nièvre. Leur création ne doit rien au hasard : c’est au début du XIX siècle, alors que le chantier du canal du Nivernais s’essouffle, que l’on décide d’y aménager deux  afin d’alimenter la navigation. Dès lors, l’histoire du canal et celle des étangs se confondent : la vie fluviale s’y ancre, et la région trouve là un de ses plus précieux atouts.

(Abbé Baudiau, , 1853)

L’essor du tourisme fluvial : du passage technique à la destination recherchée

Le canal du Nivernais, long de 174 km, relie l’Yonne à la Loire, et fut d’abord, à sa création (1784-1841), un axe commercial dédié à la descente des — les fameux « tsots » du Morvan. Mais l’activité marchande disparue dans la seconde moitié du XX siècle, la portion de Baye et Vaux a rapidement été investie par un nouveau public : les plaisanciers, les randonneurs, et les passionnés de nature.

  • Première étape technique : les étangs réservent de l’eau pour alimenter le bief de partage de la Collancelle. Sans eux, la navigation sur la partie sommitale du canal serait impossible en été. Le « bief de partage » désigne ici le point le plus élevé du parcours, sur près de 28 km, et il est alimenté presque entièrement par les étangs.
  • Seconde étape historique : ceux-ci deviennent rapidement des étapes récréatives. Dès les années 1970, le tourisme fluvial s’organise localement : création d’un port de plaisance à Baye, développement de la halte nautique, balisage des sentiers pour accueillir les cyclistes et les marcheurs…

On dénombre aujourd’hui, selon Chiffres-clés Tourisme Nièvre 2023 (offices de tourisme, CRT Bourgogne-Franche-Comté), près de 16 000 nuitées annuelles liées au tourisme fluvial sur le canal du Nivernais, dont plus de autour du secteur Baye-Vaux.

Les chiffres-clés du tourisme fluvial autour de Vaux et Baye

Année Nombre de bateaux de location (Baye) Avis Google Port de Baye (2024) Nuitées enregistrées (secteur Vaux–Baye)
2014 38 4,3/5 10 600
2023 47 4,7/5 15 800

(Sources : Office de Tourisme Sud Nivernais, VNF-Rapports d’activités, Google My Business)

Baye et Vaux : un carrefour navigant au patrimoine technique et naturel remarquable

Les plaisanciers savent que le secteur Baye-Vaux n’est pas une simple « étape » sur le canal : c’est souvent le but d'une croisière et un lieu de rencontres. Plusieurs facteurs y contribuent :

  • Un nœud stratégique de navigation : Les trois tunnels de la Collancelle (Canal, Mouas et Breuil, totalisant près de 1 km de galeries creusées à la main entre 1824 et 1841) reliés à Baye représentent l’expérience la plus marquante pour de nombreux navigateurs. Les passages labyrinthiques « offrent un grand frisson, comparable à celui d’une traversée souterraine à la lueur d’une lampe tempête » (témoignage recueilli lors de la manifestation « Baye à la belle étoile », 2018).
  • Un port actif et animé : la base nautique de Baye propose depuis 1993 une offre croissante de bateaux sans permis (location Cardinal, Locaboat…), jusqu’à 95 % d’occupation en été ; la halte fluviale accueille navires privés, canoës, pénichettes, et propose aussi des services et des animations estivales : marchés, concerts, ateliers.
  • Un haut-lieu naturel : Les pourtours des étangs sont classés Zone Naturelle d’Intérêt Écologique, Faunistique et Floristique (ZNIEFF) : hérons cendrés, Milan noir, Fuligule milouin mais aussi orchidées — des balisages éducatifs parsèment une partie du tour de Baye.

L’écotourisme et le patrimoine vivant : le tourisme fluvial et ses déclinaisons autour de Vaux et Baye

Le secteur ne vit pas que d’eau et de bateaux. Depuis une quinzaine d’années, plusieurs formes de tourisme « doux » s’y sont développées, souvent portées par des habitants et des associations locales :

  • Randonnées et balades à vélo : le « Tour des étangs », une boucle de 14 km, a été l’un des premiers circuits balisés du Morvan. La véloroute du canal du Nivernais, elle, suit le tracé du canal sur la rive droite et traverse tout le secteur.
  • Activités nature : observation des oiseaux (avec la Ligue de Protection des Oiseaux), chantiers participatifs de restauration de la roselière, journées « Découverte du castor ».
  • Animations patrimoniales : « Soirées Tunnels » (visites nocturnes guidées, lectures de lettres de canotiers du XIXe, photographies anciennes projetées dans les tunnels), reconstitutions des métiers du bois et du flottage lors de la fête du canal à Baye.

Parmi les témoignages recueillis sur le terrain, nombreux sont ceux qui évoquent l’impression de « vivre ailleurs, au fil de l’eau », lors d’une croisière entre les étangs et les tunnels, ou encore la tranquillité d’un bivouac sur l’aire naturelle aménagée de Vaux, où seuls le sifflement des canards et le martèlement du pic résonnent au matin.

Anecdotes, chiffres et regards sur l’économie locale 

  • Le record de fréquentation des tunnels de la Collancelle remonte à l’été 2017 : plus de 5 200 passages de bateaux sur la saison (sources : VNF) : un chiffre qui fait de ce tronçon le plus fréquenté du canal, devant Clamecy.
  • Les étangs sont également un moteur économique : sept entreprises locales vivent directement ou en partie du tourisme fluvial et des activités nautiques (bateaux, cafés-restaurants, hébergements, loueurs de matériel). Le chiffre d’affaires total estimé tourne autour de 950 000 € annuels pour la commune de Bazolles (saison avril-octobre, chiffres mairie et VNF 2022).
  • À la mi-septembre, le chenal reliant Vaux et Baye accueille la traversée traditionnelle des barques miellées, rites mêlant musique folklorique et dégustation de produits du terroir — une initiative qui attire chaque année environ 350 visiteurs.

Entre héritage patrimonial et enjeux pour demain : dynamisme et fragilités

L’avenir du tourisme fluvial sur Baye et Vaux se conjugue autant en termes d’innovation que de préservation :

  • La gestion de l’eau devient un défi : sécheresses estivales, baisse du débit, changements climatiques pèsent sur la navigabilité. Le Syndicat Mixte du Canal du Nivernais, en lien avec Voies Navigables de France, planche sur des solutions : adaptation des horaires, information en temps réel sur les niveaux d’eau, collaboration étroite avec les pêcheurs et naturalistes.
  • Le développement durable traverse idées et projets : l’extension des sentiers pédagogiques, la promotion du camping « zéro carbone », la valorisation du port de Baye en port référent pour la transition écologique du tourisme fluvial (label Green Port en cours depuis 2023).
  • La mémoire orale du canal continue d’être collectée : archives, témoignages d’anciens bateliers, publications locales (Amis du Canal Nivernais), expositions photo… Cette dimension « vivante » attire un public de curieux, d’étudiants et de familles : le canal n’est jamais uniquement un décor, il reste un site habité à travers ses récits.

Un territoire d’eau, de passage et d’avenir

Les étangs de Vaux et de Baye forment aujourd’hui le poumon aquatique et humain du canal du Nivernais. Ils illustrent comment un site construit à des fins industrielles au XIX siècle, peut, au fil des décennies, se réinventer comme haut-lieu de tourisme fluvial et d’écotourisme, moteur pour l’économie locale et la préservation du patrimoine naturel. Porté par la passion des habitants, la créativité des acteurs touristiques, et une histoire toujours en mouvement, ce secteur affirme plus que jamais sa double vocation : être à la fois escale et horizon, pour celles et ceux qui prennent le temps.

Sources : - Office de Tourisme Sud Nivernais - VNF (Voies Navigables de France), Rapports d’activités canal du Nivernais - CRT Bourgogne-Franche-Comté, études 2017-2023 - « Le Morvandiau », abbé Baudiau, 1853 (Gallica) - « Histoire et Mémoire du Canal du Nivernais », éd. Deck/Amis du Canal, 2021 - Mairie de Bazolles, Chiffres Tourisme 2018-2022

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